La saison du thé nouveau

Avec l’arrivée du printemps et le début des récoltes (assez précoces cette année en raison d’un climat inhabituellement chaud), les distributeurs de thé se préparent à la commercialisation des shincha, thés nouveaux toujours très attendus par les amateurs, avec leur délicieuse fraîcheur. Mais qu’est-ce précisément que le shincha ? Voici quelques éléments de réponses, issus du Guide des Thés du Japon.

L’arrivée du shincha, le thé nouveau qu’il serait plus juste de nommer ichibancha (premier thé ou thé de première récolte), est célébrée au Japon à grands renforts d’annonces commerciales et accueillie avec effervescence, constituant un argument marketing de choc, et marquant aussi pour le monde du thé la plus importante période de travail de l’année. Selon les régions, les types de thé ou la taille des plantations, plusieurs autres récoltes pourront suivre, avec le nibancha (second thé), sanbancha (troisième thé), voire yonbancha (quatrième thé). Le sencha est issu des premières, seconde, voire troisièmes récoltes, tandis que le bancha est un thé de troisième ou quatrième récoltes à base de feuilles larges et épaisses.

A l’extrême-Sud du Japon, dans les îles d’Okinawa, les récoltes peuvent commencer dès la fin février. A Kyûshû, elles démarrent fin mars (sur les îles de Tanegashima et Yakushima) et elles remontent ensuite doucement vers le nord, jusqu’à la mi-mai. A Shizuoka, le shincha est prêt pour la récolte au début mai (dès fin avril en fait), officiellement quatre-vingt-huit jours après le début du printemps (soit environ le 2 mai), traditionnellement fixé en février. Les thés de la plus grande qualité sont récoltés avant cette date symbolique du quatre-vingt-huitième jour. Et l’on attribue au thé cueilli lors de cette fameuse nuit de larges vertus. Cependant, ceci ne vaut en réalité que pour les thés de plaine, la période adéquate pour la récolte arrivant un peu plus tard en montagne. En outre, les caprices parfois importants de la météo rendent ces dates assez aléatoires et peuvent créer de véritables casse-têtes pour les producteurs.

On présente le shincha comme un produit limité en quantité, aux feuilles jeunes et tendres, donnant un sencha au goût à la fois doux et riche, très rafraîchissant. Il est ainsi plus recherché mais, dans les faits, même si dès la fin juin les emballages abandonnent l’appellation shincha, le thé vendu reste le même tout au long de l’année. Et les méthodes de conservation modernes permettent même de consommer toute l’année du thé de première récolte, ce qui n’était pas le cas il faut le dire jusqu’au début des années 1990 ; la notion de shincha avait donc avant cette date plus de sens, le thé risquant de perdre sa qualité et sa fraîcheur au fil de l’année. En outre, shincha ne désigne donc pas un thé particulier.

Pour toutes ces raisons il vaut mieux donc parler de ichibancha (premier thé, thé de première récolte). Il n’empêche que cette première récolte est vraiment un grand moment d’effervescence pour les producteurs, qui font souvent une grosse partie de leur chiffre d’affaires à cette période de l’année. Nombreux d’ailleurs sont les petits producteurs qui ne font plus qu’une récolte par an, les récoltes suivantes ne leur permettant plus, en raison de la baisse constante des prix du marché, de couvrir les frais de cueillette et production.  Lors de la première récolte les usines tournent donc non stop ! Et les Japonais ayant le génie du marketing, l’arrivée du shincha est exploitée comme argument commercial de choc, avec forces publicités, conditionnements spéciaux, etc … le shincha s’inscrit ainsi dans la succession d’événements naturels saisonniers exploités avec enthousiasme par l’industrie nippone : floraison des cerisiers, feuilles d’automne …

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