Le thé au Vietnam, par Victoire Nguyen

Lors de nos échanges de messages sur Libfly autour des livres, j’ai été touchée par la manière très sensible dont « Tran » (Victoire Nguyen),  évoquait la tradition du thé dans son pays d’origine, le Viet Nam. A l’évidence, le thé évoque pour elle de nombreux et beaux souvenirs, et constitue un véritable art de vivre. Je lui ai donc demandé si elle accepterait de partager avec nous sa connaissance du thé vietnamien, ce qu’elle a très chaleureusement accepté. Voici une petite introduction à l’univers parfumé du thé vietnamien, à déguster tout en lisant un bon livre, comme ceux chroniqués par Tran sur son blog https://lemondedetran.wordpress.com !

Le thé ou un art de vivre à la vietnamienne.

par Victoire Nguyen

Le théier est originaire de Chine. Cependant, on le retrouve dans les régions situées entre le Myanmar, le Nord du Viet Nam et la province du Yunnan. Dans le cas spécifique du Viet Nam, le thé consommé provient de la région de DàLat au Nord Ouest de Hô Chi Minh Ville. C’est une région située à 1500 m d’altitude. Le climat est propice à l’épanouissement et à l’essor de la culture théière. En effet, cette région bénéficie d’un climat clément. La température oscille entre 15 et 20°C et les précipitations sont constantes d’avril à octobre.

Source : http://www.lexilogos.com/vietnam_carte.htm

 Comme ses proches voisins, la Chine et le Japon, le Viet Nam possède, lui aussi, un art de consommer le thé. L’artisan théier entend offrir aux fins gourmets un thé rare et original. Aussi le consommateur se trouve-t-il face à une variété de choix oscillant entre le thé naturel ou « brut » et le thé aromatique aux parfums exquis. Au Viet Nam, les thés parfumés sont les plus recherchés. Les senteurs aux notes florales sont majoritaires. Les thés sont parfumés aux fleurs de lotus, de jasmin, de chrysanthème ou encore de chloranthus. Les Vietnamiens consomment surtout des thés verts ou noirs. Cependant, ils ne refusent pas de goûter parfois aux thés blancs ou jaunes.

 Comment parfume-t-on le thé ?

Source :
http://www.vietnamanduvoyage.com

 Les thés parfumés aux senteurs florales représentent dans l’imaginaire collectif vietnamien, l’alliance entre le ciel et la terre, le yin et le yang. Cette particularité culturelle est à prendre en compte car elle régit non seulement l’art culinaire, la médecine traditionnelle, mais aussi le thé dans son traitement global (culture, séchage, imprégnation, cérémonie et consommation).

 Le plus connu des thés en terme de fragrance est le thé au lotus. La phase de l’imprégnation est très minutieuse. L’artisan introduit le soir un sachet de thé à l’intérieur de la fleur. Le sachet est fait de gaze et de mousseline et permet de « capturer » le parfum et l’humidité de la nuit. Le sachet est laissé « au repos » toute la nuit afin qu’il puisse s’imprégner des effluves, des senteurs et de la rosée. Au matin, avant l’aube, le sachet est récupéré. Cette méthode d’imprégnation demande une consommation rapide (au cours des 24 heures), et elle est surtout destinée à une consommation familiale. Le maître des lieux possède un jardin d’eau garni de lotus et prépare souvent lui-même son thé pour sa consommation journalière.

Source : id.

 Il existe une autre manière de parfumer le thé à la senteur de lotus. L’artisan ou l’ouvrier cueille ce qu’on appelle les « gao sen », c’est-à-dire des étamines de la fleur. Ensuite les « gao sen » sont mélangés au thé (vert de préférence, car la note produite est plus aérienne et évanescente au palais du consommateur). On dispose une couche de thé pour une couche de fleurs. L’ensemble est enfermé hermétiquement dans une jarre durant 48 à 72 heures. C’est le temps de l’imprégnation. Puis, le thé est séché à feu doux. Cette phase terminale demande beaucoup d’attention car les pousses et feuilles de thé ne doivent pas être grillées ou brûlées. Le séchage dure toute une journée. Ce processus mélange/séchage est répété sept fois afin d’obtenir un thé de qualité. Cette méthode est utilisée pour d’autres types de fragrances telles que le thé au jasmin, le plus consommé au Viet Nam. Un produit fini demande un mois de travail.

 Il faut noter que les thés préparés avec cette méthode exigent beaucoup de travail et de savoir-faire. Pour un Kg de thé, il faut au minimum 1400 étamines. De ce fait, le prix est souvent très élevé (150 €/kg de thé parfumé au jasmin ; 250 à 300 €/kg de thé parfumé aux fleurs de lotus) Ce sont donc des produits de luxe qui sont consommés à de grandes occasions (le Têt,  réunion de famille, fête des fiançailles ou mariage…) En temps ordinaire, les consommateurs optent pour des thés produits de façon industrielle et de moins bonne qualité, notamment venus de Chine.

La cérémonie du thé

Un soin particulier est apporté au cérémonial du thé, tant pour les ustensiles que dans l’attention portée aux hôtes.

  •  Les éléments eau/terre/feu

L’eau pour la préparation du thé est choisie avec un grand soin. Dans les temps anciens, on prélevait la rosée car elle représente le souffle vital, le Yin et le Yang. Cependant, avec l’augmentation de la pollution, on préconise l’utilisation de l’eau de source, riche en oligo-éléments et dépourvue de calcaire.

Les accessoires sont également très importants. La bouilloire et le service sont en terre cuite. La théière doit être culottée car, de ce fait, elle donne plus de goût et de caractère au thé. Elle doit être réchauffée à l’eau bouillante avant l’introduction du thé. Il en est de même pour les tasses, qui doivent être rincées à l’eau bouillante. Le maître de cérémonie doit faire attention à la température de son eau, qui doit juste frémir. Dans le cas contraire, les feuilles de thé risquent d’être brûlées et ne peuvent donc pas libérer tous leurs caractères ni arômes.

  • Le service

Lorsque les ustensiles sont préparés et que le thé est infusé, on procède au versement du breuvage. On verse le liquide sans faire de bruit. En effet, c’est un moment de silence et de recueillement : les convives hument les effluves qui flattent la vue, l’odorat et le goût.

Lors du service, on ne se sert jamais en premier car cela est vu comme une marque d’impolitesse. On ne sert pas non plus l’hôte en premier, car cela signifie qu’on lui réserve la part la moins savoureuse du thé. Lors du service, le maître de maison doit toujours avoir en tête l’adage suivant « ruoutrênbè, chèduoiâm » (Le vin se trouve en haut de la carafe, le thé se tapit au fond de la théière). C’est pourquoi, on sert toujours les tasses en deux tours. Le premier dans un sens et le second dans l’autre. Ainsi, les tasses reçoivent-elles la même qualité de thé. La tasse est sans anse et est présentée à deux mains.

L’art du thé est complexe au Viet Nam. Pour les Vietnamiens, offrir un thé est le signe d’une intention délicate envers celui à qui on l’offre. Cela suppose qu’on a pris le temps de le choisir, de le préparer et de le servir. C’est un moment de communion, d’amitié et de paix. On converse, on échange gaiement tout en jouant aux échecs. C’est un moment de confidence où les voix chuchotent et se répondent. On se raconte des histoires, on colporte aussi des rumeurs. On discourt sur le monde…

En conclusion, il faut savoir qu’au Viet Nam, le thé se consomme sans lait ni sucre. Les thés parfumés et le thé glacé sont très appréciés au Sud alors qu’au Nord, on préfère le thé vert chaud.

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