La saison du shincha vue par Florent Weugue
Je vous parlais dernièrement du shincha, dont la saison bat actuellement son plein. Florent Weugue, conseiller technique du Guide des Thés du Japon et créateur du blog http://sommelier-the-japonais.blogspot.fr, suit « en direct », du Japon même, cet événement annuel. Il nous offre ses impressions :
Le « nouvel an » du thé japonais a bel et bien commencé ! Le shincha, thé nouveau, de 2013, arrive en avance ! Un mois de mars très doux sur tout le pays (et donc une absence de dégâts dus au givre) a eu pour conséquence des récoltes avancées d’environ une semaine par rapport à l’an dernier. Une telle chose n’arrive peut-être qu’une fois tous les dix ans, tout au plus ! Mais, à la mi-avril, retour du froid ! Les jeunes pousses ralentissent leur croissance, le givre provoque quelques dégâts, sans rien de catastrophique cependant. Mais, au final, les récoltes qui ont commencé si en avance finissent à une période équivalente à celle de l’an dernier. Les récoltes 2013 seront finalement moins abondantes…
Le terme de shincha (littéralement « thé nouveau ») désigne les thés issus de la première récolte et sont mis en vente sous ce nom jusqu’en juin ou juillet. Passé ce délai, ces thés de première récolte seront commercialisés sous le nom de sencha, guricha… Les Japonais sont très friands de nouveauté et de produits de saison, deux caractéristiques du shincha. Et beaucoup de Japonais considèrent la saison du shincha comme la meilleure pour le thé vert japonais. Pourtant, cela n’est pas nécessairement vrai. Il y a encore une vingtaine d’années, on avait l’habitude au Japon de ne pas faire de hi-ire (séchage final qui transforme un thé brut en produit fini) sur ces jeunes thés, leur conférant ainsi une saveur très fraîche et végétale qui les rendaient très différents des thés vendus plus tard. Revers à la médaille, les shincha ne pouvaient se conserver plus de quelques jours. Il faut dire en outre qu’au Japon, à cette époque pas si lointaine, il n’était mis en avant aucun moyen pour tenter de conserver correctement le thé. Pas de sachets scellés, et encore moins de sous-vide bien sûr. Les délicats thés verts étaient vendus à la pesée, dans des sacs fermés par une ficelle ! On comprend facilement pourquoi un thé acheté après la saison du shincha n’était pas fameux. Mais, aujourd’hui, il est mis beaucoup de soin à la conservation du thé, permettant tout au long de l’année la consommation d’un sencha d’une fraîcheur parfaite.
Néanmoins, frais ne veut pas dire exactement comme du shincha. Au fil du temps, même s’il garde sa fraîcheur initiale, le thé évolue, ses saveurs s’affirment. Bien souvent, quelques semaines seulement après la cueillette, les thés japonais sont « légers » en comparaison de ce qu’ils deviendront plusieurs mois après, leurs goûts ne sont pas encore très marqués, ils nécessitent une infusion plus forte… C’est pourquoi je ne considère pas personnellement le shincha comme le meilleur moment pour consommer le thé, notamment dans le cas de certains cultivars dont les caractéristiques se perçoivent mieux après quelques mois de maturation dans de bonnes conditions. Mais tout ceci est affaire de goût.
Ainsi, tout au long de l’année, la manière d’apprécier un même thé évolue, et c’est avant tout comme le commencement d’un nouveau cycle, avec l’arrivée de surprises nouvelles chez les bons vendeurs, que le shincha est un événement immanquable pour l’amateur de thé japonais.
Après ces très intéressantes précisions, je vous conseille également d’aller sur le blog de Florent découvrir ses récents reportages, richement illustrés, dédiés à la céramique de Bizen (l’une de mes favorites au Japon!). La céramique Bizen, aux superbes tonalités d’un rouge brun et à la beauté rustique très wabi, est produite dans la préfecture d’Okayama, au sud de Honshû :
http://sommelier-the-japonais.blogspot.fr/search?q=bizen